Avez-vous déjà entendu parler de la fable de la grenouille ? Largement utilisée sur le web et tout particulièrement dans les domaines du développement personnel et de la gestion du changement, elle dit ceci :

Si l'on plonge subitement une grenouille dans de l'eau chaude, elle s'échappe d'un bond ; alors que si on la plonge dans l'eau froide et qu'on porte très progressivement l'eau à ébullition, la grenouille s'engourdit ou s'habitue à la température pour finir ébouillantée.

Une expérience riche de sens qui oblige immanquablement à réfléchir à sa condition et son quotidien. Ce postulat en tête, il reste cependant des choses à savoir sur cette fable et l'utilisation faite de l'image de la grenouille.

Une jolie métaphore ne fait pas tout

S'il est facile d'imaginer un scientifique peu porté sur l'empathie envers les animaux en train de faire bouillir une grenouille à petit feu, le curieux ira chercher du côté de la documentation scientifique pour vérifier la véracité de la chose. Ce faisant, il découvrira d'une part qu'il faut un cadre tout à fait particulier pour que les récepteurs nerveux de la grenouille ne l'alertent pas (augmentation de la température de 0,002°C par seconde durant cent cinquante minutes) et deuxièmement qu'elle ne meurt pas ébouillantée, car elle ne supporte en fait pas plus de 39 à 40°C (pour l'individu testé). De plus, d'autres études et protocoles de test n'ont pas réussi à avoir le même résultat et il n'y a donc qu'un test réalisé en 1882 par l'Institut Johns-Hopkins pour en attester (source).

Pourquoi donc cette grenouille revient-elle aussi souvent sur la toile ? Essayez donc sur un moteur de recherche et vous verrez qu'elle a le droit à une large littérature pour une publication qui a pourtant plus d'un siècle ! Qu'est-ce qui lui vaut ce succès ?

La grenouille qui fait réfléchir

Dans un monde en constant changement, être actif (voire "proactif" comme l'on dit aujourd'hui par néologisme anglais) est devenu essentiel. Le développement est un effort quotidien, qu'il soit personnel, professionnel, national ou lié à tout autre sujet d'intérêt. En ce sens, les gestionnaires, chefs, dirigeants, accompagnateurs, psychologues doivent faire comprendre le besoin de changer aux individus et rien ne vaut la métaphore pour faire passer simplement un message complexe.

Ce syndrome de la grenouille est donc devenu un révélateur, un vecteur de motivation, presque un moteur pour faire avancer.

Cependant, tout outil offrant différents résultats en fonction des mains qui l'utilisent, cette petite grenouille ne forme pas qu'à la philosophie.

Le batracien qui aurait pu être milliardaire

Grenouille dorée zenDans le monde du développement personnel - large et avec une croissance qui ne semble pas vouloir freiner, ce qui est bon signe pour l'humanité - cette fable de la grenouille est largement utilisée. Pour sortir du quotidien, d'une mauvaise manie, d'un boulot usant ou tout simplement pour prendre du recul, elle permet une prise de conscience qui peut se montrer salutaire. Un bon point pour elle, mais comme dit précédemment, tout outil est à double tranchant.

Le développement personnel s'adressant à des personnes en recherche de quelque chose, le syndrome de la grenouille peut aussi être utilisé pour attiser un mal-être à des fins bien moins sympathiques que l'accompagnement bienveillant. C'est ainsi que l'on retrouve ce petit batracien accommodé à toutes les sauces en fonction du message à faire passer ou du produit ou service à vendre. De nombreux prestataires (infopreneurs, conférenciers, consultants, formateurs, coachs...) ne manquent pas de commencer leurs articles ou vidéos par un petit rappel de cette fable pour mettre le lecteur ou spectateur en position de besoin, ce qui permettra par la suite de proposer plus facilement une solution. Vous reconnaissez le schéma ?

On ne jette pas la personne directement à la case "choix" (voire "achat") pour ne pas la brusquer, mais elle est mise à l'aise, rassurée, puis on fait lentement monter les choses pour arriver à ses fins, sans que l'individu ne puisse réagir. À peine Croa-yable non ?

Cette petite grenouille morte en 1882 et son bourreau n'auraient peut-être jamais pensé que leur (més)aventure donnerait lieu à une fable, qui deviendrait un syndrome qui finirait pas être utilisé à des fins commerciales. Pourtant, la preuve est faite que chaque message peut être biaisé en fonction de la personne qui le véhicule et de son but réel ce faisant.

Qu'en pensez-vous ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Ces derniers peuvent-ils être utilisés sans réserve si la fin est éventuellement bénéfique ? Parlons-en !